La communication pour les élus

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INTERVIEW de Edouard MONTCHAMP

Directeur pôle Influence chez TBWA (agence de communication)

FANNY DESTENAY

Pouvez-vous me présenter votre parcours et votre activité au sein de votre agence ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

Je suis le directeur du pôle influence de l’agence TBWA Corporate, c'est-à-dire que je m’occupe de tout ce qui comprend les expertises de communication, les relations presse, les affaires publiques et la communication digitale pour les organisations, les entreprises et ses dirigeants. J'ai commencé ma carrière en communication en entreprise, puis j'ai travaillé cinq ans en politique, notamment au sein du ministère des Solidarités et de la Santé, où j'ai été conseiller communication d’Olivier Véran pendant la crise Covid.

FANNY DESTENAY

Aujourd'hui, est-ce que vous travaillez avec des politiques ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

Oui. L’agence peut intervenir sur le champ du politique ou le champ des organisations, collectivités territoriales, etc. Ce qui est intéressant de voir, c'est que les politiques n’ont pas forcément le réflexe de contacter des agences de communication aujourd'hui.

FANNY DESTENAY

Quand ils ont un problème important, vers qui se tournent-ils ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

Vous pouvez avoir différentes situations. Certains font appel à des personnes dans les agences, non parce qu’ils connaissent l’agence, mais parce qu’ils connaissent un conseiller en particulier. Parfois les politiques peuvent être soutenus par leur parti ou par leur réseau, et puis vous avez des élus de collectivités qui sont très bien accompagnés, soit par l'administration de la ville en elle-même, soit par une agence de communication.

FANNY DESTENAY

Que pensez-vous des incidents qui touchent les élus, eux-mêmes ? Comme le maire de Fréjus, David Racheline, avec la sortie du livre Les Rapaces, qui l’accuse directement de plusieurs délits, ou Jamilah Habsaoui, la maire d’Avallon, qui a été accusée de trafic de drogue. Je pense aussi au député Carlos Martins Bilango, qui a été accusé de conserver un logement HLM alors qu'il touchait son indemnité de député de presque 6 000 euros par mois.

ÉDOUARD MONTCHAMP

Aujourd’hui, il y a une attention très forte des médias et des réseaux sociaux, des communautés en général, sur l'exemplarité des élus. Ça fait peser un poids énorme sur leurs épaules. C'est pour cela que, de la même façon qu’un avocat va vous défendre sur la partie judiciaire, une agence va s’attacher à défendre votre image médiatique et votre réputation. Quand on est un élu, le capital réputationnel est le fonds de commerce. La rumeur se nourrit toujours de la rumeur, quand bien même vous la démentiez. Dans l’agence, notre rôle va être, premièrement, d’accompagner l’élu sur la prise de parole. Même ceux qui ont l’habitude des médias doivent être accompagnés parce que prendre la parole dans le cas d'une crise est très spécifique, en particulier quand la crise est dirigée contre vous. Notre deuxième mission est de faire barrage ou du moins, de servir d'intermédiaire entre la presse et l’élu. Et, enfin, en fonction du choix de l’élu, le conseil intervient à la fois en anticipation, c'est-à-dire s'assurer qu'on est capable de répondre à des accusations potentielles ; en gestion de crise, l'épisode aigu ; ou encore, en période de recovery [traduction anglaise de guérison : NDLR], pour regagner en image, savoir comment repositionner l’élu.

FANNY DESTENAY

Quand vous parlez de recovery, vous faites allusion à la période médiatique lors du retour du député Adrien Quatennens quelques mois après sa condamnation pour violences conjugales, par exemple ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

Ça peut être une période encore plus proche de la crise. Une fois que la crise est passée, la réputation est altérée. Que vous soyez jugé coupable ou innocent, votre réputation est affectée. Il faut avoir un professionnel qui continue à vous orienter en vous disant : « Attention » ou au contraire « Va t'exprimer ». C’est important ! Il y a des personnes qui refusent de parler, qui ont pu être traumatisées par les médias auparavant et d’autres personnes qui veulent à tout prix clamer leur innocence ou se justifier. Avoir un regard externe est essentiel en période de crise. On a besoin d'avoir des personnes avec lesquelles on peut échanger en toute confiance et même débattre.

Vous avez besoin d'avoir une personne qui ne dit pas forcément ce que vous avez envie d'entendre et qui est capable de vous dire si vous êtes dans l’erreur. C'est là que le conseiller en communication est reconnu comme tel !

FANNY DESTENAY

Et vous parliez d’anticipation. Qu’entendez-vous par là ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

On n'anticipe jamais parfaitement une crise, mais on peut identifier les risques, anticiper les mécanismes, les réponses et commencer la préparation. Il existe deux types de crise : celles qui vont toucher l’élu en tant que personne et celles qui vont toucher la commune. Dans le premier cas, on parle des crises dites délictueuses. Les citoyens demandent aux élus d’être absolument irréprochables. Et même si on ne veut pas d’une société pudibonde, il faut en tenir compte pour éviter les crises. Vous êtes dans une situation où votre rôle d'élu vous intime une exemplarité. Il faut que vous soyez à la fois un super-héros et un saint. Dans le deuxième cas, les crises qui touchent les communes peuvent être en partie anticipées. Quand vous avez une organisation comme un conseil départemental ou une mairie, par exemple, vous connaissez un certain nombre d’incidents qui peuvent vous arriver : un problème de voirie ou bien plus grave, comme le décès d'un enfant dans une crèche qui relève de la mairie. Dans ce cas, l’anticipation consistera à faire de la veille des signaux faibles et il faudra aussi prévoir quelle sera la personne qui prendra la parole auprès de la presse, en cas d’incident. Lors de la crise, il faudra s’adapter en fonction du réel. Mais l’une des clés de la gestion de crise, c'est le temps et la réactivité. Donc la préparation et l’anticipation ne peuvent être que bénéfiques.

FANNY DESTENAY

Est-ce que vous proposez des formations de gestion de crise aux élus ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

Dans ma carrière, j’en ai fait auprès de responsables politiques, dont certains étaient élus aux conseils municipaux, présidents de départements ou membres de conseils régionaux et de conseils départementaux. Aujourd’hui, je fais de la formation à la prise de parole ainsi que des simulations et anticipations de crise. L’agence propose aussi des audits qui permettent d'évaluer quels sont les risques auxquels l’élu peut être exposé, les typologies de crise qu’il peut rencontrer. Puis les processus qui lui permettent de prendre en charge la crise de manière efficace. Côté anticipation de crises, nous proposons de la sensibilisation auprès des personnels. L'une des règles dans la gestion de crise est de faire en sorte que seul le responsable puisse prendre la parole, et faire taire tout autre émetteur, afin d’éviter les contre-messages. C'est important pour ne pas ajouter de la crise à la crise. Pour éviter de rajouter une crise par une mauvaise interprétation, une mauvaise compréhension du sujet, parfois une mauvaise prise en charge de la plainte. Par exemple, les employés peuvent avoir des réactions qui viennent minimiser le ressenti d'une personne à qui il est arrivé un incident, ce qui peut générer de la crise supplémentaire. Donc pour moi, il y a trois grands leviers pour bien gérer une crise : la préparation à la prise de parole ; l'analyse topologique des crises et la sensibilisation des équipes. Et puis, comme je disais, ensuite il y a la période de recovery. Mais il ne faut jamais oublier l'impact sur les équipes, l'impact en interne parce que les crises peuvent peser sur les équipes.

FANNY DESTENAY

Côté tarifs, comment facturez-vous vos services et à quoi peut-on s’attendre ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

Déjà il ne faut pas croire que dès qu’on décroche le téléphone, le compteur tourne. Ensuite nous pouvons faire de l’accompagnement ponctuel, lié à un événement, mais souvent nous proposons des accompagnements plus longs, sur six mois par exemple, avec du mediatraining (formation aux médias). Donc c’est difficile de donner un tarif. Et j’apporterais un point de vigilance sur les règles de commandes publiques pour les budgets. Il faut faire attention aux seuils et toujours demander en transparence ce qu'il y a derrière l'accompagnement qui est proposé, afin de connaître le prix des honoraires. Mais malheureusement en période de crise, on n’a pas le temps de faire un appel d’offres.

FANNY DESTENAY

Et quelle serait la solution alors pour les élus ? Faire un appel d’offres en amont pour connaître les tarifs et déclencher le contrat en cas de crise ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

Sans doute que cette solution pourrait exister pour de grandes municipalités. Mais je ne sais pas ce que dit la commande publique sur le fait qu’on ait négocié un contrat qui se déclencherait par la suite. Je ne suis pas spécialiste. En tout cas, il y a une réflexion à avoir là-dessus à l’échelle de l’élu et de son mandat.

FANNY DESTENAY

Enfin, auriez-vous un conseil ou un point à rajouter ?

ÉDOUARD MONTCHAMP

Je dirais que le pire ennemi d'une gestion de crise, c'est l'isolement. Il faut débattre de la solution, de la position que vous allez déployer.

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